• IL N’Y A QUE MAILLE QUI M’AILLE !

     

    On sentait bien, en ce lundi matin ensoleillé de septembre, que quelque chose ne tournait pas rond devant les usines de ce grand fabricant de sous-vêtements français.
    Les ouvriers faisaient tous une drôle de bobine et on se doutait qu’il se tramait quelque chose !

    Une grande agitation régnait de toutes parts et on s’interrogeait sur les raisons des va-et-vient incessants de certains personnages qui faisaient la navette des ateliers aux bureaux.

    De fait, il suffit à notre observateur de prendre en filature l’un de ces ouvriers pour comprendre que l’entreprise filait du mauvais coton.
    Après avoir connu des hauts et des bas, il était clair, selon les experts, qu’elle ne parviendrait pas cette année à boucler son budget.

    Après s’être faufilé à travers la chaîne des ouvriers et s’être dissimulé derrière un des poteaux qui soutenait la verrière de la grande salle de réunion, notre curieux tendit l’oreille pour ne pas perdre le fil de la conversation.
    Il vit alors apparaître le grand patron, dont la claudication, dûe à une talonnade récente, n’enlevait rien à sa prestance .
    Malgré son allure altière, c’était un homme affable qui entretenait de bons rapports avec son personnel sans pour autant être avec lui, comme on dit, cul et chemise.
    Pour détendre l’atmosphère, il avait même fait diffuser, en sourdine, le « boléro de Ravel . »

    Notre observateur essaya de se rapprocher de son mentor, en qui il découvrit un délégué syndical, mais, celui-ci lui signifia discrètement, qu’il le trouvait un peu trop collant et, qu’en ces circonstances particulières, il ne voulait pas avoir un fil à la patte.
    La discussion entre patronat et syndicats s’engagea sous de bons auspices.
    La pertinence des réparties montrait bien que chacun connaissait bien son métier.

    Toutefois, il apparut que, malgré des intérêts communs- la survie de l’entreprise- des divergences apparaissaient sur certains points. Ce furent les délégués syndicaux qui dégainèrent les premiers en s’attaquant au nœud du problème : les licenciements !
    Ils faisaient bloc entre eux donnant du fil à retordre au comité de direction.
    Chacun, dans le respect de l’autre , mettait son cœur à l’ouvrage et n’hésitait pas à tremper sa chemise.

    A un moment, cependant, un léger brouhaha monta d’un coin de la pièce où discutaient en aparté deux délégués, au mépris du reste de l’assemblée , mais, ils rentrèrent dans le rang lorsque le directeur leur eut rappelé qu’ils n’étaient pas là pour parler chiffons !
    L’un des deux, se hasarda à proposer un plan bâti à la hâte pour éviter des coupes sombres mais, il fut rejeté à l’unanimité car ses propositions étaient cousues de fil blanc .

    La direction suggéra alors une organisation du travail à la carte qui permettrait ainsi plus de souplesse et d’élasticité , évitant ainsi d’avoir maille à partir avec l’inspection du travail.
    Certains représentants des ouvriers, unis comme crochet-maillette, hésitèrent longtemps devant un tel motif.
    Finalement, on procéda au vote !
    La reprise fut votée au fil du rasoir .

    Jean-Marc AUSSET mars 1992

    Yahoo!

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :